Introduction
Obtenir un prêt immobilier devrait être un droit pour tous, mais dans la réalité, les personnes en situation de handicap doivent affronter une double peine. D’un côté, les banques les scrutent avec méfiance, de l’autre, les assurances les considèrent comme des clients « à risque », leur imposant des surprimes voire des exclusions pures et simples. Pourtant, la loi et les dispositifs existants permettent d’accéder à la propriété, à condition de savoir comment s’y prendre et de ne pas se laisser intimider par des refus injustifiés.
1. L’assurance emprunteur : l’ennemi numéro un
Si les banques ne peuvent pas refuser un prêt immobilier en raison d’un handicap, elles ont une autre arme redoutable : l’assurance emprunteur. C’est souvent à ce niveau que le parcours du combattant commence.
Lorsqu’un emprunteur contracte un prêt immobilier, la banque exige une assurance emprunteur pour garantir le remboursement en cas de décès, d’invalidité ou d’incapacité de travail. Et c’est là que le bât blesse. Pour une personne en situation de handicap ou atteinte d’une maladie chronique, les assureurs appliquent des surprimes parfois exorbitantes, voire excluent certaines garanties essentielles.
1.1 Un questionnaire médical souvent pénalisant
Avant la loi Lemoine, tout emprunteur devait remplir un questionnaire médical détaillé, dans lequel il devait déclarer toute pathologie, traitement ou antécédent de santé. Résultat ? Les personnes en situation de handicap ou souffrant d’une maladie se voyaient appliquer des exclusions de garantie ou des majorations de tarifs astronomiques, rendant parfois le projet immobilier totalement irréalisable.
Depuis 2022, la loi Lemoine a supprimé l’obligation de ce questionnaire médical pour les prêts immobiliers de moins de 200 000 € par emprunteur, à condition que le remboursement du crédit soit terminé avant les 60 ans de l’emprunteur. Une avancée majeure… mais qui exclut de fait une grande partie des emprunteurs en situation de handicap, notamment ceux dont le projet dépasse ce seuil ou qui empruntent après 40 ans.
2.1 Des surprimes qui font exploser le coût du prêt
Lorsque l’assurance emprunteur reste obligatoire, le calcul est souvent brutal. Un emprunteur en bonne santé peut obtenir une assurance avec un taux autour de 0,3 % du capital emprunté. En revanche, pour une personne atteinte d’une maladie chronique ou considérée comme "à risque", ce taux peut grimper à 1 %, 2 %, voire plus, augmentant considérablement le coût total du prêt.
Par exemple, sur un emprunt de 200 000 € sur 20 ans, une assurance classique coûterait environ 12 000 € sur la durée du prêt. Avec une surprime doublée ou triplée, ce montant peut facilement dépasser 30 000 € ou 40 000 €, rendant le projet beaucoup moins attractif, voire financièrement impossible.
2.2 Des exclusions de garanties problématiques
Dans certains cas, même si l’assureur accepte de couvrir l’emprunteur, il peut exclure des garanties essentielles. Par exemple, une personne souffrant d’une maladie chronique pourrait se voir refuser la couverture en cas d’incapacité de travail liée à son état de santé. Autrement dit, elle paie une assurance… qui ne la protège pas quand elle en a besoin.
Cette pratique est particulièrement injuste, car elle crée une inégalité flagrante entre les emprunteurs, en fonction de leur état de santé. Pourtant, des alternatives existent pour éviter ces pièges.
2.3 Les solutions pour contourner les blocages des assureurs
Face à ces discriminations déguisées, plusieurs stratégies permettent de limiter l’impact de l’assurance emprunteur :
- Comparer les offres d’assurance en dehors des banques : Depuis la loi Lagarde, il est possible de souscrire une assurance emprunteur auprès d’un organisme autre que celui proposé par la banque. Ces assurances alternatives (délégation d’assurance) peuvent offrir de meilleures conditions et des tarifs plus avantageux pour les emprunteurs présentant un profil médical complexe.
- Faire jouer la convention AERAS : Ce dispositif permet aux personnes présentant un risque aggravé de santé d’accéder plus facilement à une assurance emprunteur, avec des conditions encadrées et un droit à l’oubli pour certaines pathologies.
- Négocier une garantie alternative : Dans certains cas, la banque peut accepter d’autres garanties pour sécuriser le prêt, comme une hypothèque sur un bien existant ou une caution solidaire (garantie par un proche).
L’assurance emprunteur est souvent le principal obstacle à un prêt immobilier pour les personnes en situation de handicap ou atteintes de maladies. Mais avec une bonne préparation et en explorant toutes les alternatives, il est possible de trouver des solutions pour contourner ces blocages et obtenir un crédit aux meilleures conditions possibles.
2. Les banques sont frileuses… mais elles n’ont pas le droit de vous exclure
En théorie, lorsque vous demandez un prêt immobilier, les banques doivent uniquement analyser votre capacité de remboursement. Elles examinent vos revenus, votre apport personnel, votre stabilité financière et votre taux d’endettement. Mais en pratique, la situation est bien différente pour les personnes en situation de handicap.
Dès qu’un dossier sort de la norme, les banques deviennent frileuses. Elles se cachent derrière des critères de « prudence » pour justifier des refus déguisés ou des conditions moins avantageuses. Certains emprunteurs handicapés se voient proposer des taux d’intérêt plus élevés, d’autres doivent fournir des garanties supplémentaires sous prétexte que leur état de santé les rendrait plus « risqués ». Pourtant, rien dans la réglementation ne permet aux banques de discriminer un emprunteur en raison de son handicap.
Les obligations légales des banques
La loi est claire : une banque ne peut pas refuser un prêt immobilier sur la seule base du handicap. Le Code de la consommation interdit toute discrimination dans l’accès au crédit, et la loi Lemoine a encore renforcé ces droits en supprimant le questionnaire médical pour certains emprunts.
Si votre dossier est solide financièrement, une banque ne peut pas justifier un refus en invoquant uniquement des risques liés à votre état de santé. Un refus doit être motivé par des critères objectifs et économiques, comme un taux d’endettement trop élevé ou un apport insuffisant. Si vous avez des revenus stables et un projet bien construit, aucun établissement ne peut légalement vous exclure du marché du crédit.
Des obstacles déguisés sous forme de « précautions »
Malgré ces obligations, certaines banques jouent sur la corde raide pour compliquer l’accès au prêt des personnes en situation de handicap. Elles exigent parfois un apport plus élevé, demandent des garanties excessives ou refusent d’accorder certaines délégations d’assurance, obligeant l’emprunteur à souscrire une assurance hors de prix. Ces pratiques ne sont pas toujours légales, mais elles restent difficiles à prouver et à contester.
D’autres banques, sous couvert de « prudence », imposent des délais de traitement anormalement longs pour un dossier standard, espérant que l’emprunteur finira par abandonner ou accepter des conditions moins avantageuses.
Comment contourner ces blocages ?
Face à ces obstacles, la meilleure solution est d’anticiper et de s’armer d’informations. D’abord, il faut comparer les banques : toutes n’ont pas la même politique face aux emprunteurs en situation de handicap. Certaines sont plus flexibles, notamment les banques mutualistes ou les établissements en ligne qui s’adaptent plus facilement aux profils atypiques.
Ensuite, il est essentiel de bien préparer son dossier. Plus vous arrivez avec des arguments solides – stabilité professionnelle, capacité d’épargne, apport personnel – plus vous réduisez la marge de manœuvre de la banque pour vous opposer un refus.
Enfin, ne pas hésiter à mettre en concurrence plusieurs établissements et à faire appel à un courtier spécialisé. Certains professionnels connaissent parfaitement les stratégies des banques et savent à quelles portes frapper pour obtenir les meilleures conditions.
3. Faire valoir ses droits : les outils à connaître
Lorsque les banques ou les assurances compliquent l’accès au crédit pour les emprunteurs en situation de handicap ou atteints d’une maladie chronique, il est essentiel de connaître les dispositifs mis en place pour protéger vos droits. Trop souvent, les emprunteurs se retrouvent face à des refus déguisés ou des surprimes excessives, sans savoir qu’ils disposent d’outils concrets pour contester ces décisions et obtenir un prêt immobilier à des conditions plus justes.
3.1 La convention AERAS : une porte d’entrée vers l’assurance emprunteur
La convention AERAS (s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé) a été créée pour faciliter l’accès au crédit immobilier aux personnes présentant des antécédents médicaux lourds. Concrètement, si une première demande d’assurance emprunteur est refusée ou assortie de conditions trop pénalisantes, cette convention impose un examen approfondi du dossier à plusieurs niveaux.
Si le premier niveau d’étude refuse la demande, le dossier est automatiquement transmis à un deuxième niveau d’expertise, puis à un troisième niveau si nécessaire. Ce dernier niveau est encadré par des assureurs spécialisés dans les risques aggravés. L’objectif est de trouver une solution adaptée, soit en limitant les exclusions de garantie, soit en proposant un contrat d’assurance plus accessible.
De plus, la convention AERAS prévoit un droit à l’oubli, qui permet aux personnes ayant été atteintes de certaines maladies graves, comme un cancer guéri depuis plus de cinq ans, de ne plus avoir à déclarer cette pathologie lors de la souscription d’une assurance emprunteur. Cette disposition évite que des antécédents médicaux anciens pénalisent injustement un emprunteur.
3.2 La loi Lemoine : une avancée majeure pour les emprunteurs malades ou handicapés
Entrée en vigueur en 2022, la loi Lemoine a révolutionné l’accès au crédit en supprimant l’obligation du questionnaire médical pour les prêts immobiliers de moins de 200 000 € par emprunteur, à condition que le remboursement du crédit soit terminé avant l’âge de 60 ans. Cette mesure représente une avancée significative pour de nombreux emprunteurs, leur évitant d’être discriminés sur la base de leur état de santé.
Cependant, cette loi ne concerne pas les emprunts supérieurs à 200 000 € ni ceux dont l’échéance dépasse les 60 ans de l’emprunteur. Dans ces cas, il est toujours nécessaire de déclarer son état de santé, et les refus d’assurance restent fréquents.
3.3 Les recours en cas de discrimination bancaire ou assurantielle
Si une banque ou une compagnie d’assurance impose des conditions abusives ou refuse un prêt immobilier sans justification valable, plusieurs solutions existent pour faire valoir ses droits :
- Saisir le médiateur bancaire : Chaque banque dispose d’un service de médiation chargé de traiter les litiges entre clients et établissements financiers. Si vous estimez que votre dossier a été injustement refusé, vous pouvez solliciter un médiateur pour une réévaluation.
- Saisir le Médiateur de l’Assurance : En cas de refus ou de surprime excessive d’une assurance emprunteur, vous pouvez faire appel au Médiateur de l’Assurance, un organisme indépendant qui peut examiner votre dossier et recommander une solution équitable.
- Porter plainte auprès de la Défenseure des Droits : Si vous êtes victime de discrimination en raison de votre état de santé, vous pouvez saisir la Défenseure des Droits, qui peut enquêter et intervenir auprès des organismes financiers concernés.
Conclusion
Obtenir un prêt immobilier avec un handicap ou une maladie chronique est un parcours semé d’embûches, mais loin d’être impossible. Si les banques sont frileuses, elles n’ont pas le droit de vous exclure du crédit immobilier sous prétexte que votre état de santé présente un "risque". En revanche, l’obstacle principal reste l’assurance emprunteur, où les surprimes et exclusions de garanties peuvent rendre un projet immobilier trop coûteux ou inadapté à la réalité des emprunteurs concernés.
Heureusement, il existe des outils pour contourner ces barrières : la convention AERAS, qui facilite l’accès à l’assurance pour les profils à risque, le droit à l’oubli, qui protège les anciens malades, et la loi Lemoine, qui permet d’éviter le questionnaire médical pour certains emprunts. En cas d’abus ou de discrimination, il est essentiel de connaître ses droits et de ne pas hésiter à saisir les instances compétentes.
Enfin, le recours à un courtier spécialisé ou à une banque plus flexible peut être déterminant pour décrocher un prêt immobilier adapté. L’important est de ne pas se laisser décourager par un premier refus et d’explorer toutes les options possibles. Avec une bonne préparation et en exploitant les solutions disponibles, il est tout à fait possible de réaliser son projet immobilier, même avec un état de santé particulier.